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Partage de nos voyages en famille en Mongolie centrale, en Equateur, en Aragon (Espagne), en Islande, au Myanmar

04 Aug

Chevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcs

Publié par Picpic70

    Nouveau lâcher de ballons ce matin dans le ciel de Cappadoce. De toute évidence, le vent a tourné car les montgolfières se disséminent dans une toute autre direction qu'hier. Le soleil brille à nouveau, nous sommes gâtés pour notre dernier jour de randonnée.

Je me suis réveillée très tôt ce matin (tiens, je finis peut-être par adopter inconsciemment le rythme de mes voisines de chambre) et il me reste un bon moment avant le petit déjeuner. Je décide de mettre à profit ce temps gagné sur le sommeil pour aller visiter le château troglodytique d'Uchisar, situé tout au sommet de la colline sur laquelle est bâtie le village du même nom. Je m'habille sans bruit car mes voisines dorment encore (tiens, mes voisines finissent peut-être par adopter mon rythme de vie habituel, les rôles sont maintenant inversés, nous voilà dans de beaux draps !) et m'éclipse discrètement de la chambre. La promenade au cœur du village qui s'éveille à peine est paisible, les boutiques sont encore fermées et je croise juste quelques badauds tombés du lit pour venir admirer les ballons multicolores qui envahissent les nues.

Chevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcs
Chevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcsChevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcs
Chevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcs

    Le château d'Uchisar a transformé tout le sommet de la colline en un véritable gruyère, c'est un dédale de pièces de tailles et de formes variées dont aucune ne se trouve au même niveau que ses voisines. Le passage d'une salle à l'autre se fait en empruntant des sortes d'échelles meunières très raides aux marches irrégulières et inclinées creusées à même la roche. J'imagine que les accidents devaient être légion et baisser significativement l'âge d'espérance de vie de l'époque ...

Quelques murs de construction assez récente défigurent cette forteresse plusieurs fois millénaire, mais ces "verrues architecturales" ne parviennent malgré tout pas à anéantir le charme fou de ce château bâti en un lieu stratégique permettant de surveiller les environs à 360°.

Chevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcs
Chevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcsChevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcs

   La lumière pénètre à peine certains endroits anfractueux ou reculés, tandis que le soleil levant investit hardiment les pièces les plus périphériques. C'est sereine et souriante que je quitte cet endroit magique pour revenir à des considérations bien plus terre à terre, rappelée à l'ordre par mon estomac insatiable : le petit déjeuner ne va pas tarder à être servi ! Je redescends paisiblement vers la maison d'hôte, appréciant le brouhaha du village qui s'éveille, le travail du bois sur une porte croisée au détour d'une ruelle, les agencements improbables des différents bâtiments construits sur la colline, le bazar local et ses échoppes, le sourire éclatant d'un enfant dépenaillé … Je prends soin de profiter de chaque instant et d'ouvrir mes sens à ce qui m'entoure.

Chevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcsChevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcsChevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcs

    En rentrant au gite, je découvre que l'état de santé de Suzy, pas terrible depuis le début de la semaine, a fortement empiré. Peu avant son départ pour la Turquie, Suzy avait dû se faire arracher des dents. A son arrivée, elle a attrapé un bon rhume (d'où les salves d'éternuements du premier jour) qui est venu réveiller la douleur dentaire et déclencher une infection de type otite ou sinusite (dixit Muza, le médecin de la bande qui en passant lui donne un traitement … de cheval bien sûr !). Ce matin, elle souffre beaucoup et est très fatiguée, elle prend du coup à contrecœur la décision de se reposer et de ne pas chevaucher avec nous ce matin. Elle nous rejoindra plus tard, dans le véhicule d'assistance qui transporte nos bagages.

Nico nous a réservé encore un bien bel itinéraire pour cette grosse demi-journée finale (24 kilomètres). Au programme, de superbes paysages et des galops endiablés. Nous cheminons en surplomb de la vallée des pigeons que j'ai parcourue à pied dans tous les sens hier, la vue est à couper le souffle, je ne me lasse pas de ces draperies minérales et millénaires qui invitent à la relaxation et à l'introspection. A lui seul, le contraste entre la clarté de la roche et les verts profonds de la végétation est un chef d'œuvre qui me remplit de joie.

Chevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcs
Chevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcsChevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcs
Chevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcs

    A la sueur de notre front (pour être honnête, ça serait plutôt à celle de nos montures), nous nous élevons jusqu'à atteindre le sommet d'un vaste plateau qui offre une vue dans toutes les directions, imprenable sur plusieurs kilomètres. Nous effectuons certaines portions de montée à pied pour soulager nos montures, Tootsie s'arrête de temps à autre durant l'ascension ; elle ne me parait pas particulièrement essoufflée alors que je suis rouge comme une pivoine, et je me demande si elle ne s'arrête pas tout bonnement par compassion envers mon pauvre organisme miné par cet effort inhabituel ...

Sur ce vaste plateau où nous chevauchons côte à côte, Nico donne le signal du départ au galop. Nous nous lançons tous de front dans une incroyable galopade digne de figurer dans les plus illustres annales cavalières. La sensation de liberté que je ressens à cet instant est juste incroyable… Ivre de bonheur et de grand air, je prends les rênes dans mes dents et étends mes bras en croix à l'horizontale. "I believe I can fly …", j'aurais en toute simplicité souhaité que ce moment de pur bonheur dure éternellement !

La fin de l'aventure se rapproche à grands pas, je profite des derniers instants avec Tootsie, cette jument arabe qui me ressemble tellement : petite, nerveuse, gourmande. Rien à redire, l'entente a été excellente entre elle et moi durant toute cette semaine, Nico a su me trouver une monture adaptée à mes goûts et à mon caractère (sans parler de ma taille !).

 

Chevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcsChevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcs

    Nous arrivons au ranch de Nico vers les 14 heures affamés comme des loups. Nous libérons nos montures qui retrouvent avec le plus grand bonheur leurs terres et leurs compagnons. Hélène, la femme de Nico, nous a préparé un Testi Kebab, plat turc typique composé d'un mélange de viande, de légumes et d'épices mijotés longuement à l'étouffée dans une jarre de terre cuite obturée par de la pâte à pain. Il suffit ensuite de briser le col de l'amphore pour déguster le délicieux plat parfumé. Le met est excellent, gouteux à souhait et je fais honneur à mon hôte en n'en laissant pas une miette !

 

Chevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcs

    Notre aventure équestre est maintenant achevée, mais Nico nous propose de terminer notre  séjour sur une activité ô combien délassante et typique : le bain turc. Muza décline l'invitation (j'imagine que le bain turc n'a plus de secret pour lui) et nous partons donc entre filles profiter de cette occupation pittoresque. Après quelques brèves explications sur le déroulement du hammam, Nico nous dépose devant les bains publics et nous voilà livrées à nous-même. Un turc nous accueille, nous donne à chacune une grande serviette et nous désigne les vestiaires et les toilettes (à la turque, bien sûr, sans PQ mais avec un grand baquet rempli d'eau). Le temps de nous changer et nous rejoignons une vaste pièce circulaire envahie d'une touffeur qui me saisit immédiatement à la gorge. Au centre de la salle, une grande estrade de marbre aux motifs géométriques, sur les bords, des bassins d'eau fraiche. Je m'asperge d'eau froide et vais m'allonger sur l'estrade de pierre, bientôt rejointe par Brigid et Suzy. Quelques minutes à peine plus tard, je suis en nage et sue à grosses gouttes ; malgré tout, je commence à m'habituer à cette moiteur ambiante et même à y trouver plaisir, mon esprit commence à vagabonder entre deux mondes … en bref, je crois que je suis en train de m'assoupir lorsqu'un homme vient chercher l'une d'entre nous pour un massage. Brigid est la plus téméraire, elle se lance en premier et disparait avec le turc.

Suzy sommes désormais seules dans ce lieu inconnu, à l'ambiance tropicale, aux sons étouffés par la vapeur d'eau mais amplifiés par la grandeur de la pièce. De drôles de bruits nous parviennent et nous décidons dans un fou-rire que si Brigid n'est pas revenue dans 1/2 heure, nous prendrons nos jambes à notre cou et filerons à l'anglaise. Quelques minutes plus tard, un couple pénètre dans la pièce : après leurs ablutions, ils s'installent dans le sauna, une petite cabine vitrée située sur un côté de la grande pièce et où la chaleur (sèche) y est très élevée. Nouveau fou-rire car des bruits de halètement nous parviennent de la cabine, sans que nous arrivions à déterminer si c'est parce qu'il fait vraiment très très chaud dans le sauna ou si c'est parce qu'ils se payent du bon temps abrités de nos regards par les vitres recouvertes de buée … C'est au tour de Suzy de disparaître pour un massage et je reste seule sur le disque de marbre, écoutant les bruits métalliques de l'eau omniprésente autour de moi, respirant à pleins poumons cette humidité purifiante, évacuant par tous les pores de ma peau les toxines accumulées durant ces derniers jours.

La porte s'ouvre à nouveau et laisse entrer un malabar bedonnant à la peau mate, aux cheveux de jais et aux yeux sombres. Me revient alors les explications de Nico comme quoi il existe trois sortes de hammam en Turquie : ceux pour les femmes, ceux pour les hommes et ceux pour les touristes. Je suis vraiment perplexe car l'être que j'ai en face de moi ne ressemble ni à une femme, ni à un touriste … Je n'ai pas vraiment le temps d'approfondir ces réflexions hautement philosophiques car c'est à mon tour d'être appelée pour le massage.

Je rentre dans une petite pièce plus fraiche que le hammam mais à l'hygrométrie tout autant élevée et dans laquelle trônent deux banquettes plastifiées. Suzy occupe la première et je m'installe sur la seconde. A ma grande surprise, la masseuse est … un masseur, ce qui m'étonne car la Turquie est un pays encore hautement ancré dans la séparation des genres. L'homme commence alors à me frictionner avec une sorte de gant de crin, j'ai l'impression qu'il vient de m'enlever tout mon bronzage d'un seul coup ! Il me fait signe ensuite de m'allonger sur la banquette et avant que j'aie eu le temps de comprendre ce qui m'arrive, je me retrouve recouverte d'une mousse parfumée au citron. Les mains du masseur s'activent ensuite sur mon corps avec des gestes déliés et libérateurs. Ses doigts, doux et professionnels, restent suffisamment éloignés des parties intimes pour que je ne ressente aucune gêne et je m'abandonne sans hésitation à ces gestes délassants qui me transportent dans une bulle de bonheur. La randonnée à cheval a dû me créer de nouveaux muscles car mon masseur en palpe longuement quelques uns qui, j'en mettrais ma main à couper, n'étaient pas là une semaine auparavant ! A la fin du massage, il me fait croiser les bras sur la poitrine et appuie de tout son poids et de toutes ses forces sur mon torse. Si vous vous rappelez ce que l'on raconte sur la force des turcs, vous comprendrez aisément qu'il n'y est pas allé de main morte … Je ne peux plus respirer, j'ai l'horrible sensation d'être tout à la fois la gazelle enserrée par les anneaux impitoyables d'un boa constrictor, une ferraille se préparant pour figurer dans une compression de César, un timbre coincé entre l'enveloppe et la machine à oblitérer ; je voudrais lui demander poliment de stopper cette pression incroyable sur mes pauvres os qui ne vont pas tarder à s'effondrer, ou m'enquérir du temps durant lequel je vais devoir rester sans respirer vu qu'il n'y a aucune place pour de l'air dans mes pitoyables poumons écrasés et vidés de tout leur oxygène mais aucun son ne sort de ma bouche. Heureusement, après une éternité (du moins ce qui m'a semblé être une éternité), mon masseur turc me donne le coup de grâce sous forme d'une petite impulsion (je ne croyais pas qu'il pouvais appuyer encore plus fort que ce qu'il faisait jusqu'alors). Un discret craquement retentit au niveau de mes vertèbres ; avec un petit sourire satisfait, mon masseur relâche sa pression sur mon torse et je sens avec délectation l'air s'engouffrer dans mes alvéoles pulmonaires et les déployer en une inspiration profonde et salvatrice. Le turc me shampooine joyeusement la tête et me rince à grand coups de bassines d'eau avant de me congédier d'un sourire. Nonobstant l'étonnement d'être encore en vie après avoir été comprimée de la sorte, je ressens un immense bien-être et j'ai l'impression de flotter sur un petit nuage en rejoignant mes compagnes de voyage. Etonnamment, mon corps ne semble garder aucune rancune de ce traitement intempestif et parait au contraire régénéré et apaisé d'avoir été traité de la sorte.

 

    Le temps de boire une tasse de thé et le propriétaire du bain turc nous raccompagne en voiture jusqu'à notre chambre d'hôte. Chemin faisant, il arrose copieusement d'injures le conducteur d'un véhicule arrêté au milieu de la circulation et m'explique que si cet homme conduit si mal, c'est parce que c'est un touriste. Alors que je m'étonne du teint mat du "chauffard" et de la plaque d'immatriculation turque de sa voiture, notre chauffeur m'explique qu'il s'agit bien d'un turc, mais pas d'un cappadocien : c'est donc bien la preuve que c'est un touriste ! En tous cas, touriste ou pas, je n'ai pas eu besoin de dictionnaire franco-turc pour traduire les différents noms d'oiseau échangés … Nous voilà de retour à la pension Nasim (celle où j'avais été déposée par erreur le premier soir), les escaliers sont toujours aussi raides, d'autant plus que ma valise ne s'est pas allégée au cours du voyage. Le site est toujours aussi extraordinaire, ces chambres troglodytiques donnant sur un cirque de pierre ont un charme fou.

Chevauchée en Cappadoce, 28/04/2018 : plaisirs turcs

    Suzy l'australienne ne s'est toujours pas habituée à la fraicheur des pièces creusées dans le roc, elle grelotte. Malgré tout, les antibiotiques prescrits par Muza semblent lui avoir fait du bien, elle a bien meilleure mine que ce matin. Nous prenons notre dernier repas tous ensemble et je m'aperçois que la semaine a été tellement riche que je ne suis même pas triste que cela soit fini. Je n'aurais pu rêver mieux comme séjour : des chevaux aux pieds surs, parfaitement dressés et soignés et d'une endurance à toute épreuve, du matériel en excellent état, pratique et confortable, un itinéraire aux petits oignons privilégiant les paysages majestueux loin de la foule et des sentiers battus, des étapes authentiques et pittoresques, une ambiance au top. Bref, que du bonheur ! 

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