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Partage de nos voyages en famille en Mongolie centrale, en Equateur, en Aragon (Espagne), en Islande, au Myanmar

04 Dec

Equateur, 22/08/2016 : la pêche

Publié par Picpic70

    Après un réveil en douceur par le concert des animaux de la forêt, c'est déjà le moment de prendre congé de nos compagnons de voyage. Nous restons une journée de plus que les autres membres du groupe, et Galo nous a programmé une sortie en pirogue à rames sur une lagune interdite aux embarcations à moteur. La lagune en question se trouve en amont du lodge, et nous nous faisons remorquer sur une partie du trajet par la pirogue à moteur qui emmène ceux qui quittent le lodge aujourd'hui.

 

    Nous prenons congé de nos compagnons de voyage, attrapons nos pagaies et partons avec Galo pour une journée paisible à la découverte d'une lagune préservée des moteurs afin de mieux en respecter la faune et la flore, et faciliter ainsi la reproduction des espèces endémiques.

Nous naviguons sur un petit bras de rivière ombragé, la végétation est luxuriante et nous avançons en silence dans ce fabuleux tunnel végétal. Étonnamment, malgré notre progression discrète, nous ne rencontrons que très peu d'animaux et j'ai l'incroyable impression de flotter hors du temps ... De temps à autre, les frétillements de minuscules poissons réveillent la surface de l'eau, un papillon nous accompagne sur quelques mètres, l'envol d'un oiseau agite le feuillage. L'impression de quiétude qui m'envahit est indescriptible, le silence est mon allié.

    L'arrivée sur la lagune est superbe, la végétation semble s'écarter devant la proue de notre embarcation. Les arbres aux troncs immergés semblent autant de sentinelles pétrifiées par le temps, mais les feuilles et les épiphytes qui ornent la partie émergée témoignent de leur force tranquille. Rien n'a changé depuis des millénaires, et, à cet instant précis, je crois que si un archéoptéryx surgissait de derrière un arbre, je ne serais pas surprise outre mesure !

Equateur, 22/08/2016 : la pêche

    Tout en pagayant, Galo nous demande si nous voulons pêcher un piranha. Je n'en crois pas mes oreilles car je rêve d'observer de près ces mythiques poissons. Toute la famille répond oui à l'unanimité, et de bon cœur ! Galo sort du fond de la pirogue une canne à pêche artisanale (une branche, un fil de pêche et un solide hameçon) et un morceau de viande crue. Il jette son hameçon à l'eau et quelques secondes après, sort un beau piranha rouge. Je suis absolument sidérée par la rapidité avec laquelle le poisson a mordu à l'appât, cela indique bien qu'ils sont absolument partout autour de nous, dans cette eau marron et opaque. Le piranha est un poisson d'une vingtaine de centimètres, aplati latéralement et doté d'une solide mâchoire garnie d'une belle rangée de dents, certains sont uniformément gris, d'autres arborent un éclatant ventre orange vif .

Equateur, 22/08/2016 : la pêche
Equateur, 22/08/2016 : la pêche

    Galo attrape son poisson avec précaution et nous montre ses dents affûtées, de forme triangulaire et tranchantes comme des lames de rasoir. Afin de nous faire la démonstration de la puissance de ces ratounes de compétition, il approche une branche de la mâchoire du piranha qu'il tient dans la main, et j'entends alors un "clac" impressionnant. La branche est sectionnée net, je crois que je viens de découvrir la version amazonienne du sécateur ... Diablement efficace ! Je commence déjà à regarder l'eau qui m'entoure d'un autre œil ...

Equateur, 22/08/2016 : la pêche

     Galo relâche ensuite son poisson qui retrouve sa liberté, et c'est ensuite au tour des filles d'expérimenter la pêche aux piranhas.

Emilie jette son hameçon à l'eau et ferre des poissons à plusieurs reprises. Elle arrive à les attirer à la surface, mais ils se libèrent de l'hameçon et retombent à l'eau dans une gerbe d'éclaboussures. Bien souvent, la ligne a à peine le temps de toucher la surface de l'eau que l'appât disparaît, englouti par les voraces créatures. La persévérance d'Emilie finit par payer, et elle arrive finalement à sortir de l'eau un beau spécimen. Mathilde se lance à son tour, et pêche un beau piranha gris un en quelques instants seulement. Quelle professionnelle !

    Pour ma part, je me régale à voir les filles s'amuser. La seule chose que je crains est qu'un des piranhas ne finisse par m'atterrir dessus, pas tant pour le danger qu'il représente mais plutôt par la répugnance que m'inspirent les poissons en général. Je demande aux filles de diriger leurs prises de l'autre côté de la pirogue, vers Galo et Christian, mais ce n'est pas toujours aisé avec un spécimen d'une livre qui se débat furieusement au bout de la ligne et je ne suis pas tranquille lorsqu'ils sortent de l'eau !

Après quelques prises, un incident vient mettre de l'animation dans le bateau. Un des piranhas se décroche en arrivant au-dessus de la pirogue et tombe alors juste à côté de Mathilde. Celle-ci pousse un hurlement et monte sur le siège du bateau, pour finalement grimper sur Christian. Elle ne pense qu'à sauver ses orteils (qui, soit dit en passant sont bien protégés dans ses baskets) et, en esquivant ainsi les soubresauts du poisson, agite violemment l'esquif qui se met à tanguer dangereusement de gauche et de droite, au risque de tous nous précipiter à l'eau ! Galo est mort de rire en voyant la réaction de Mathilde, Christian essaye de la calmer en l'admonestant quelque peu (ce qui ne marche pas vraiment, d'ailleurs), et quant à moi, je manque de la plus élémentaire charité chrétienne et maternelle ! En effet, je me bidonne allègrement car le piranha se débat à bonne distance de ma personne, mais, soyons honnête, je ne suis pas certaine du tout que ma réaction aurait été plus mesurée que celle de Mathilde s'il m'était tombé dessus ... Avec beaucoup de précautions (ce qui témoigne quand même du danger réel qu'il y a à manipuler ces redoutables mâchoires acérées), Galo finit quand même par récupérer le poisson échoué au fond de notre embarcation et le relâche doucement dans la lagune. Il nous dit que les piranhas peuvent rester une dizaine de minutes hors de l'eau, mais tous ont été remis à l'eau en bonne forme, bien avant ce délai.

   Je remercie Galo du fond du cœur pour la fabuleuse expérience qu'il vient de nous faire vivre, ce fut une activité inoubliable pour toute la famille, riche en émotions et rigolades !

 

    Nous quittons la lagune en silence et en douceur avec comme seuls compagnons les légers clapotis de nos rames et les cris des animaux de la forêt. Malgré notre discrétion, un grand héron s'enfuie à notre approche, ange blanc au cœur de cette immensité verte. Nous avançons maintenant dans le sens du courant, notre progression est paisible et sereine. Nous pique-niquons dans la pirogue, abrités du courant et du soleil par de grands arbres à demi-immergés. Je jette les déchets organiques de mon repas dans la rivière, et je vois mes os de poulet disparaître sous l'eau dans un soubresaut et, maintenant que j'ai vu de près les créatures qui peuplent cette eau opaque, j'imagine aisément le devenir de ces reliefs carnés ... C'est le moment que choisit Galo pour proposer une baignade ... La pêche aux piranhas a bien refroidi l'enthousiasme des troupes en ce qui concerne la baignade, et la seule qui est véritablement motivée est, comme d'habitude, Emilie. Moi qui commençais juste à me détendre dans la lagune, je reconnais que je ne suis pas rassurée car aujourd'hui les données changent ! Premièrement, alors que je me contentais jusque là d'imaginer les affreuses créatures peuplant l'eau marron qui nous entoure, maintenant je les visualise parfaitement bien et je prends en plus conscience de leur omniprésence. Deuxièmement, nous sommes maintenant au bord de la rivière, alors que les bains de ces derniers jours avaient lieu dans la grande lagune. Bref, rien pour me rassurer ... Je tente de dissuader Emilie de se baigner, mais Galo persiste à nous dire que cela ne pose pas de problème de se baigner ici. Je résiste un peu, mais finis finalement par céder devant l'assurance de notre guide. Malgré tout, je ne suis pas tranquille-tranquille quand elle se met à l'eau, et j'ai comme l'impression que "l'effet piranha" n'agit pas que sur moi car, pour la première fois depuis notre arrivée au Cuyabeno, Mathilde n'émet aucunement le souhait de se baigner...

Equateur, 22/08/2016 : la pêcheEquateur, 22/08/2016 : la pêche

    Emilie barbote gaiement autour de nous, et je sens l'inquiétude retomber doucement jusqu'au moment où, accoudée au rebord de la pirogue ... elle se met à pousser un hurlement qui me glace le sang ! Ses yeux s'écarquillent, elle se met brutalement à se débattre et hurle "Qu'est-ce qui se passe !?". Je panique en une poussière d'instant, les images qui se présentent à mon esprit sont dignes de figurer dans des films d'horreur de seconde zone et me coupent le souffle. Tandis que je me précipite vers Emilie pour la secourir, mes yeux enregistrent l'image d'un Christian souriant et détendu. Une fraction de seconde plus tard, mon cerveau analyse cette information ... Comment Christian peut-il être en train de rigoler alors qu'un drame se déroule sous nos yeux ?! Subitement, la lumière se fait dans mon esprit, et je comprends qu'Emilie n'est pas victime d'un banc de poisson carnivores affamés, mais bien d'une facétie de son père ! En effet, Christian n'a rien trouvé de plus malin que d'aller lui taquiner la cuisse avec sa pagaie et le moins qu'on puisse dire, c'est que le résultat a été au-delà de ses espérances ! Christian et Galo ont encore beaucoup rigolé, Emilie et moi-même beaucoup moins ...

 

   Nous reprenons enfin de fil de l'eau pour rejoindre le lodge, sous les cris moqueurs de trois aras volant haut dans le ciel. Cette sortie en pirogue non motorisée fut pour moi un immense moment de bonheur, ce déplacement silencieux me paraît idéal pour trouver la quiétude et apprécier pleinement cette fabuleuse et énigmatique forêt primaire.

 

    Une heure après notre arrivée au lodge, alors que nous nous reposons tranquillement dans nos chambres, la pluie tropicale débarque à nouveau avec perte et fracas. En une dizaine de secondes seulement, nous passons d'une absence de pluie à une pluie torrentielle de niveau 10 sur une échelle de 10 ! C'est incroyablement brutal, et je prends alors pleinement conscience de la chance que  nous avons eu jusqu'alors. Une telle pluie mouille tout en un instant, ne laissant pas le temps de mettre les appareils photos à l'abri ni d'enfiler les ponchos imperméables avant d'être trempés jusqu'aux os. Bien à l'abri dans ma douillette maisonnette de bois, je compatis en pensée avec les touristes qui arrivent aujourd'hui, car à cette heure-ci ils sont sur la pirogue qui les emmène du pont d'embarquement au lodge et commencent leur périple en Amazonie sous un déluge faramineux !

Je savoure ma chance, 4ème averse diluvienne, 4ème fois à l'abri ...

Et ma chance n'est pas finie ! En effet, Galo nous avait proposé pour 18 heures une dernière promenade sur la lagune s'il ne pleuvait pas, dernière occasion de se baigner, d'observer des animaux, de respirer à pleins poumons cette nature authentique et fascinante. Le temps passe, et la pluie s'éternise, compromettant ainsi notre dernière sortie. Mais finalement, à 17h50, l'ondée s'arrête aussi vite qu'elle a démarré ! Baraka, quand tu nous tiens ! Je finirais presque par avoir honte d'avoir autant de "chance météorologique" !

 

    Le piroguier est en train de vider l'eau qui s'est accumulée dans son embarcation lorsque nous nous arrivons au quai. Il utilise une écope de fortune constituée d'un demi bidon en plastique ; la moitié avec la poignée est facile à tenir en main, et la souplesse du matériau lui permet de bien épouser le fond du bateau et d'évacuer ainsi une bonne quantité d'eau à chaque passage. Malgré tout, l'écopage nous met en retard, et il n'y a pas une minute à perdre si nous voulons arriver à la Laguna Grande avant la nuit tombée. Le piroguier fonce, ça décoiffe ! Dans les virages, les filles lèvent les bras en l'air, comme dans les manèges à sensations !

 

Equateur, 22/08/2016 : la pêche

    Du fait de la forte pluie récente, la température a fortement baissé, et personne ne semble bien motivé pour le bain de ce soir. Christian encore moins que les autres, la baignade en eaux troubles infestées de piranhas par une température extérieure bien frisquette ne semble décidément pas son fort. Arguant qu'il s'agit là de sa dernière chance de faire trempette en Amazonie, les filles le travaillent au corps et le supplient de se baigner avec elles. Quelques minutes plus tard, elles obtiennent gain de cause et Christian se jette enfin à l'eau. Il pousse un petit cri, mais cela n'est dû qu'à la fraîcheur de l'eau, et non pas à la faune grouillante qui la peuple.

Equateur, 22/08/2016 : la pêche

    J'attends avec impatience sa sortie de l'eau, car, hier, nous nous étions discrètement et peu charitablement moqués du papa allemand, un peu corpulent, qui avait utilisé une inélégante mais efficace technique de reptation pour réussir à réintégrer l'embarcation, gagnant millimètre par millimètre sur le bastingage, avant de finalement se laisser "couler" au fond de l'embarcation dans un style n'étant pas sans rappeler celui du phoque ... Et là, j'en suis quitte pour ravaler mes moqueries, car Christian arrive à sortir assez facilement de l'eau. Fière de sa condition physique, mais un peu déçue quand même ...

Lorsque Christian et les filles sortent de l'eau, il fait nuit noire. C'est l'heure où sortent les prédateurs, et Galo nous propose alors de chercher un dernier caïman avant de rentrer au lodge. Et là, paf ! il nous en déniche un de plus de 2.5 mètres de long ! Afin que nous le voyions de près, il agite sa main dans l'eau, tel un poisson en détresse, et cela fonctionne très bien, le caïman se rapproche du bateau à le toucher. L'animal est de bonne taille et ses petits yeux qui me fixent ne m'inspirent qu'une confiance toute relative ... Quant à son sourire ...

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    C'est une fantastique rencontre d'un autre âge, une confrontation avec l'ère aujourd'hui révolue des dinosaures. Ce reptile du fond des âges se déplace très lentement le long de notre embarcation, tellement près que je pourrais le toucher sans aucun problème. Il avance sans que rien ne paraisse bouger, tel une ombre. Ses yeux proéminents ne semblent pas particulièrement gênés par la lumière de nos lampes, et, si sa tête n'est pas très grosse, en revanche son corps est incroyablement massif et sa queue fort musculeuse. Les plaques osseuses qui le recouvrent paraissent à toute épreuve, et seuls ses yeux jaunes fendus d'une pupille verticale semblent animés de vie et représentent un point faible dans sa cuirasse. Je sais qu'il ne faut pas se fier à sa nonchalance car il est capable d'attaquer à la vitesse de l'éclair. Vu sa proximité avec notre embarcation (et notamment avec mes filles qui sont assises sur les côtés), je joue la prudence et demande au piroguier si les caïmans peuvent sauter, car je sais que bon nombre de crocodiliens le font pour attraper des proies. Le pilote me répond que non, et me voilà rassurée ... jusqu'au moment où le caïman s'approche de lui, et où je le vois retirer prudemment son fessier du rebord du bateau ! Il semblerait donc que les caïmans ne sautent pas pour attraper les touristes, mais pour les indigènes, cela reste à prouver !

C'est vraiment une superbe rencontre, nous sommes gâtés pour notre dernière sortie.

 

    Le repas du soir se déroule en petit comité car tous les autres membres de notre groupe ont quitté le lodge hier ou avant-hier. Nous partageons notre dîner avec Galo, et nous en apprenons ainsi un peu plus sur lui. Il a 25 ans et est natif du village où nous avons assisté à la cérémonie des chamanes. Il a étudié jusqu'à ses 19 ans, puis il s'est lancé dans le tourisme, partageant ainsi ses connaissances et son amour de sa terre natale avec les touristes, apprenant par la même occasion à s'exprimer en anglais et en espagnol. Depuis que nous sommes seuls avec lui, les échanges se font d'ailleurs en espagnol, ce qui me facilite la tâche. En revanche, je suis plutôt agréablement surprise par ma compréhension globale des explications en anglais de ces derniers jours. Je ne serai jamais ni bonne ni à l'aise en anglais, mais je pense avoir réussi à comprendre l'essentiel.

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