Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Partage de nos voyages en famille en Mongolie centrale, en Equateur, en Aragon (Espagne), en Islande, au Myanmar

28 Oct

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

Publié par Picpic70

    Les chants des oiseaux accompagnent mon réveil, le jour est déjà levé depuis un bon moment. Après un bon petit déjeuner de type international, nous voilà repartis pour une nouvelle virée. Galo scrute les environs et ne tarde pas à nous dénicher un "singe de poche" ("mono de bolsillo"), en réalité un ouistiti pygmée. Ce petit singe qui ne dépasse pas 14 cm à l'âge adulte est absolument irrésistible et se déplace en spirale autour du tronc, nous obligeant ainsi à contourner le pied de l'arbre en silence pour ne pas le perdre de vue. Je n'en crois pas mes yeux, je suis aux anges ! J'ai rêvé de ce type de rencontres depuis tellement longtemps ...

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

    Un peu plus loin, c'est un douroucouli, ou singe nocturne que nous avons la chance d'observer, camouflé dans un tronc.

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

   Nous descendons ensuite le cours d'eau en direction du village San Victoriano, de la tribu des Sionas. Le trajet en pirogue est à lui seul déjà une aventure, chaque coup d'œil permet de découvrir des trésors de la faune et de la flore locales. Telles ces bromélias, ni nous surplombent, altières et insaisissables, ce papillon qui nous accompagne quelque temps en virevoltant élégamment au-dessus de nos têtes, ou ce couple de perroquets multicolores qui nous survole en jacassant.

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

    Lorsque ce sont les vautours qui commencent à tourner autour de nos têtes, je me dis qu'une bonne douche ne sera pas du luxe ... Leur tête déplumée teintée de rouge est caractéristique et, il faut bien le reconnaître, plutôt laide , et je ne peux m'empêcher de penser aux dessins des vautours dans les BD de Lucky Luke, qui attendent patiemment le client sur l'enseigne du croque-mort ...

L'un d'entre eux porte encore les stigmates d'une bataille récente : ses rémiges sont sectionnées d'un côté, et bien effilochées de l'autre, conséquence probable d'une rencontre avec un prédateur dont il a eu la chance de sortir en vie !

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitisEquateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

    Au village, nous sommes accueillis par Maruja, qui va nous montrer comment fabriquer le "casabe", le pain de manioc. Ses yeux sont 2 fentes au fond desquelles pétillent ses yeux noirs, elle respire la tranquillité et la gentillesse. Son teint est cuivré, ses traits sont ceux des indiens et sa longue chevelure brune se teinte par endroit de reflets grisonnants. Ses gestes sont mesurés et appliqués, de la lenteur de ceux pour qui le temps n'a pas d'importance ...

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

    Maruja ouvre un "achiote" (roucou en français), petit fruit jaune hérissé de piquants. A l'intérieur se trouvent des petites graines rouges qu'elle écrase avec un bâtonnet. Elle utilise alors cette teinture pour dessiner des motifs traditionnels sur les joues et le front des filles. Très concentrée, elle réalise ces ornements avec beaucoup d'attention et de précision.

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitisEquateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

    Nous suivons ensuite Maruja pour récolter les plants de manioc nécessaires à la confection du casabe. Un petit tronc annelé surmonté d'une touffe de feuilles nous signalent la plante et Maruja et Christian arrachent le tronc, extirpant ainsi les tubercules du sol. Il ne reste alors plus qu'à peler chaque tubercule, à la machette pour Maruja, et au couteau de poche pour Christian. La lame de la machette ne passe jamais loin des doigts de l'indienne, mais, par la force de l'habitude,  le geste est assuré et efficient. Je ne sais pas si c'est la longueur du couteau ou celle de l'expérience, mais en tous cas, Maruja a gagné le concours d'épluchage de manioc haut la main !

    Après avoir lavé les tubercules, nous les râpons sur une plaque de métal percée placée au-dessus d'une auge de bois semi-cylindrique. Il faut faire très attention de ne pas se blesser les doigts ou la main car les picots de cette râpe artisanale sont redoutables !

Maruja place ensuite le manioc rapé dans une natte qu'elle torsade à l'extrême afin d'en extraire tout le jus. Elle se sert d'un bâton à l'extrémité de sa natte pour servir de bras de levier et lui donner plus de force pour comprimer la pulpe de manioc. C'est une tâche très physique, mais après quelques minutes d'efforts, le résultat obtenu est saisissant : à l'ouverture de la natte, il ne reste plus que de la poudre de manioc, parfaitement déshydratée !

La poudre ainsi obtenu est alors tamisée dans une natte de palme ; seule la partie la plus fine  de cette farine de manioc est utilisée pour la confection du casabe.

 

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

    Le jus extrait de la pulpe de manioc est, quant à lui, soigneusement récupéré. Il est mélangé à une bonne quantité de piments, et le tout est mis à bouillir 2 à 3 heures par jour pendant une semaine environ. De 5 litres de mélange au départ, on obtient à l'arrivée environ 1/2 litre d'une pâte brune très concentrée. C'est une explosion de saveur et de piquant dans ma bouche lorsque je goûte cette pâte, et avec la valeur d'une petite lentille, j'attrape déjà une bonne suée !

 

    Maruja commence ensuite la fabrication de la galette de manioc à proprement parler. Elle verse un bol de farine de manioc dans une sorte de grande poêle composée de terre cuite et de fibres végétales mise à chauffer sur un feu de bois. Elle répartit à la main la farine sur la poêle, puis l'aplatit ensuite avec le dos du bol, obtenant ainsi une large et fine galette composée à 100 % de manioc, sans aucun additif ni liant. Quelques minutes de cuisson d'un côté, quelques minutes de l'autre et le casabe est prêt à être dégusté

Christian se lance dans la réalisation d'une galette, suivant pas à pas les gestes réalisés par Maruja quelques minutes auparavant. Le résultat est très concluant, il s'en sort juste avec quelques poils de bras roussis !

    La galette est croustillante à l'extérieur, moelleuse à l'intérieur et son goût est très agréable. Nous découpons des morceaux de galette encore chaude, les garnissons d'un peu de sel et de jus de citron vert, ou de confiture, ou de la préparation élaborée par Galo composée de thon, de citron vert et de pâte de piment et nous nous régalons de bon appétit. Peut-être que le fait que le petit-déjeuner ne soit déjà plus qu'un lointain souvenir y est aussi pour quelque chose, mais en tous cas, nous nous jetons là dessus comme des morts de faim. Le résultat est prodigieux, c'est délicieux et mon palais frémit de plaisir sous les chatouillis de ces saveurs inconnues.

 

    Comme dessert, Galo nous coupe à chacun un morceau de canne à sucre. C'est rafraichissant, le jus sucré me dégouline le long des avant-bras !

 

    Soudainement, je m'aperçois que la peau de mes avant-bras est couverte de cloques qui n'étaient pas là plus tôt dans la matinée. Je suppose alors avoir touché une plante irritante ou toxique et je visualise une liane sournoise et agressive dont le suc commencerait à me ronger. Je me vois déjà livrée aux mains des chamanes qui me soigneraient à coup de fumées écœurantes,  et je m'imagine obligée d'ingurgiter d'infâmes mixtures élaborées à partir de plantes préalablement mastiquées et d'un peu de bave de crapaud ... Je montre immédiatement mes cloques à Galo afin de savoir ce qu'il en pense. Il m'examine avec soinde même que Maruja, et il ressort de leur expertise médicale dermatologique qu'il ne s'agit ... que de vulgaires cloques consécutives aux coups de soleil que j'ai pris il y a quelques jours. Forcément, ça fait beaucoup moins aventurier vu comme ça ... Dans l'arbre juste derrière moi, un superbe  perroquet vert aux yeux maquillés de blanc s'empiffre de  grains de café et je sens bien à son regard qu'il se moque de moi et de mes cloques !

 

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

    Nous achetons à Maruja quelques jolis bracelets faits de fibres et de graines végétales, puis nous nous mettons en route (euh, plutôt en pirogue ...) pour le village voisin où ont lieu des festivités locales.

 

    Nous pique-niquons au bord du terrain de foot qui voit s'affronter 2 équipes autochtones dont certains joueurs jouent pieds nus.

 

    Il fait vraiment chaud aujourd'hui et nous mourrons tous de soif car l'eau des 2 gourdes que nous avions emportées n'est déjà plus qu'un lointain souvenir. La chaleur humide est telle que je sens la sueur me ruisseler le long des jambes, et de toute évidence je ne dois pas être la seule, car mon voisin sent franchement la moufette ! (non, je ne vous dirai pas de qui il s'agit !). Heureusement, de charitables femmes du village prennent pitié de notre condition de liquéfaction avancée et nous vendent des boissons bien fraîches. Je n'ai pas le souvenir d'avoir avalé un demi litre de bière à cette vitesse là de toute ma vie ! La preuve que mon corps en avait besoin, c'est que, malgré cette quantité de bière, je suis restée toute la journée sans aller soulager ma vessie alors que je suis habituellement une "pisseuse". Et toc ! Pour accompagner la bière locale, Christian déguste un poisson cuit à l'étouffée dans une feuille de bananier. Il paraît qu'il était délicieux, je le crois sur parole.

 

    D'un seul coup, sans crier gare, un déluge s'abat sur nos têtes. Les pluies tropicales ne sont pas un mythe, elles sont effectivement aussi imprévisibles que diluviennes. Nous courons nous mettre à l'abri sous un immense hangar où la fête bat son plein.

 

    Nous arrivons juste au moment du concours de lancer de sagaie. Le but du jeu est simplissime : il s'agit de ficher une lourde lance de bois dans un tronc de bois placé à une quinzaine de mètres de distance. La tâche est ardue et sur tous les participants locaux, seuls trois y parviennent. L'ambiance est bon enfant, nous rions tous ensemble des résultats médiocres des uns, des pitreries des autres et nous applaudissons de concert les champions. La couleur de peau et la langue n'ont aucune d'importance, nous sommes tous réunis dans ce moment de jeu et de partage, j'adore ça !

    Je suis par contre perturbée par l'absence complète de surveillance des enfants et de mesures de sécurité. Les enfants se précipitent pour récupérer la lance et la ramener au concurrent suivant et n'attendent pas toujours que le projectile ait atteint son but, se mettant ainsi en danger. Quant aux bambins qui se promènent tranquillement entre le hangar et le tronc, à quelques mètres de la trajectoire supposée de la lance, ils semblent n'inquiéter personne ! Je ne parle même pas de ceux qui grimpent en haut des piliers du hangar pour avoir une meilleure vue de la compétition ! 

    Vient ensuite le tour des touristes : ceux qui le souhaitent s'essayent à leur tour au jet de lance, sous les encouragements et parfois les gentilles moqueries des autochtones. Le tronc d'arbre a été rapproché, et malgré cela, aucun d'entre nous ne réussit à l'atteindre. Ce qui est certain, c'est que nos prestations ne resteront pas dans les annales ! Seule différence notable : cette fois-ci, les enfants sont tenus un peu plus à l'écart des lanceurs et de la trajectoire de l'arme. On sent que la confiance règne ... mais vu les piètres résultats des participants étrangers, je pense personnellement que c'est une excellente idée ! Christian est probablement le moins mauvais d'entre nous, mais je crois qu'il y aurait encore quelques jours de disette en vue si notre subsistance dépendait uniquement de ses talents de chasseur à la lance !

 

   

    Les chamanes sont aisément reconnaissables à leur tenue vestimentaire : une tunique de couleur vive, une magnifique coiffe circulaire de plumes multicolores, des brassards de fibres végétales et, pour finir, de lourds colliers de perles, de dents, de graines et de coquillages. Leurs visages au teint cuivré sont décorés de motifs traditionnels, les regards sont pénétrants et bienveillants. Ces hommes sont les détenteurs d'un savoir ancestral transmis depuis des millénaires. Ils soignent les âmes et les corps avec les chants et les innombrables plantes de la forêt environnante, servent de médiateur entre le monde des esprits et le nôtre. Leur savoir est immense et leur pouvoir incommensurable. Encore une fois, j'ai l'impression d'être à la croisée entre 2 mondes lorsque je m'aperçois que l'un d'entre eux porte un bracelet-montre.

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitisEquateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

    Après le concours de lancer de sagaie, les chamanes demandent des volontaires pour une cérémonie. Alors que l'un d'entre eux se dirige vers nous, j'incite Mathilde à participer à cette expérience unique qu'elle n'aura probablement jamais l'occasion de renouveler ; c'est, je dois bien le reconnaître, une façon discrète et élégante de m'esquiver, car je ne sais pas si le chamane se dirigeait plutôt vers moi ou vers elle. D'abord réticente, elle se laisse finalement convaincre et se retrouve assise en tailleur en compagnie de 5 autres volontaires, touristes et autochtones. Les volontaires nous font face et tournent le dos aux chamanes et attendent, ignorant tout du sort qui leur est réservé. Mon regard croise celui de Mathilde, et je crois lire sur ses lèvres "Tu me le paieras !". Ce à quoi je réponds silencieusement, en accentuant bien le mouvements de mes lèvres : "Moi aussi, je t'aime ma chérie !".

Après un petit discours d'introduction en espagnol sur l'importance du maintien de leurs culture et traditions sionas, la cérémonie commence enfin. Les chamanes agitent des branches feuillues tout autour des volontaires tout en prononçant des litanies en païcoca, l'idiome local. Après quelques minutes d'agitation feuillue, un deuxième chamane s'approche de Mathilde et lui demande de relever le bas de son T-shirt dans le dos. Il se met alors à la flageller avec des branches souples que je ne distingue pas correctement d'où je suis. Je vois le visage de Mathilde changer d'expression, et je crois dans un premier temps que les herbes la chatouillent (je signale au passage à ceux qui l'ignorent que je suis myope, et que même avec mes bésicles, ma vue est médiocre de loin). Il me semble ensuite qu'elle essaye de retenir un fou-rire car je vois ses traits changer encore. Le chamane s'attarde plus sur Mathilde que sur les autres volontaires, et je suis ravie pour elle qu'elle puisse profiter à fond de cette expérience extraordinaire et en ressortir ainsi bien purifiée.

    Lorsque la cérémonie prend fin, je m'approche tout sourire de Mathilde, et je découvre alors que la réalité est tout autre que ce que ma myopie m'avait laissé entrevoir ... Ses changements de faciès n'étaient pas des sourires réprimés mais des grimaces de douleur, car les plantes avec lesquelles le deuxième chamane lui avait longuement fouetté le dos étaient des orties locales ! Je découvre avec stupéfaction le bas de son dos complètement écarlate et recouvert d'énormes boutons. Avec sa verve d'adolescente, elle baptise les chamanes d'un joli nom d'oiseau peu catholique et me gratifie d'un regard noir. C'est vrai que je ne suis pas complètement étrangère à sa participation à cette expérience peu commune, et elle s'en souvient parfaitement à l'instant présent. J'essaye l'humour pour la détendre et lui dis que je suis certaine que les pouvoirs des chamanes sont incommensurables et vont probablement la guérir à tout jamais de l'envie de se disputer avec sa sœur ... Gros flop ... J'ai comme l'impression que, momentanément, elle est non réceptive au pouvoir des chamanes et autres modes de communications avec les esprits...

C'est ce que l'on peut appeler une cuisante expérience !

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

    Sur le chemin du retour, nous avons la chance d'observer de près des animaux incroyables, des oiseaux qui semblent s'être égarés dans les couloirs du temps. Les hoazins ont un aspect préhistorique indéniable, et leur apparition me stupéfie. Ces volatiles aux couleurs improbables semblent tout droit sortis d'un film de Steven Spielberg : des yeux rouges, une tête bleu lagon, une huppe dorée et ébouriffée, de grandes ailes bicolores rouges et gris ardoise, une longue queue bordée de beige ... On dirait un oiseau créé par un artiste en mal de couleurs immariables. Et lorsqu'ils se regroupent sur une  branche, les hoazins prennent des aspects de vieilles commères à l'affût du moindre ragot ! Personnellement, je les trouve irrésistibles !

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitisEquateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

    Un peu plus loin, sur un signe de Galo, le piroguier fait halte sous un arbre et nous découvrons à quelques mètres seulement un singe saki fort affairé à dénicher de quoi manger. Son corps est celui d'une grosse peluche poilue, sa queue est interminable et très touffue et sa bouille celle d'un vieillard accablé par la sagesse ; le mélange est superbe. L'acuité de Galo est impressionnante, il voit des animaux là où tout n'est que verdure luxuriante et impénétrable pour notre pauvres yeux de touristes ...

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

    De retour au Lodge, nous nous accordons un apéro en compagnie de Nadine et Jacques, le couple de touristes français de notre groupe. Nous leur devons une fière chandelle, ils sont les sauveurs de notre haleine ! En effet, voulant alléger au maximum les bagages, je n'ai emporté qu'un tube entamé de dentifrice, et celui-ci tire déjà à sa fin alors que nous n'en sommes pas à la moitié de notre séjour ... Heureusement, Nadine et Jacques en avaient emporté deux tubes, eux ... Et ils nous en ont gentiment offert un. C'est un cadeau peu banal aux fins fonds de la forêt amazonienne, mais ô combien bien venu ! Youpi, ce soir ce sera orgie de dentifrice, alors que nous étions plutôt restreints à la portion congrue depuis quelques jours ! Quand je pense que j'ai des kits de suture et suffisamment de médicaments pour soigner tous les pensionnaires du lodge, et que je ne suis même pas fichue d'avoir assez de dentifrice pour tenir 15 jours à 4, je me dis que mon sens de l'organisation n'est plus ce qu'il était ...

 

    Nous partons à la tombée de la nuit pour une marche en forêt à la découverte de la vie nocturne. Là encore, les couleurs du ciel sont incroyables et me remplissent de bonheur. Je ne me lasse pas des reflets sur la lagune, des silhouettes en ombres chinoises des arbres ; la moindre ridule à la surface de l'eau accroche la couleur et nous la renvoie dans un festival d'ombres et de lumières.

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

    Bottes de pluie aux pieds, équipés d'une lampe chacun, nous nous enfonçons dans la forêt à la recherche de petits animaux difficilement observables le jour. Galo nous recommande la plus grande prudence lors de cette virée nocturne car les serpents venimeux se confondent volontiers avec leur habitat et sont par conséquent difficiles à repérer. Il nous demande aussi de bien suivre ses traces et de ne pas faire bouger les branches sur notre passage car lesdits serpents venimeux ont une prédilection toute particulière pour les cachettes en hauteur ...

 

    Nous croisons  tout un tas de bestioles : des araignées de toutes les tailles et de toutes les formes, depuis la grosse poilue qui préfère la sécurité du sol jusqu'à l'épineuse danseuse aérienne dont la subsistance ne tient qu'à un fil,

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitisEquateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

de gros crapauds se confondant parfaitement avec les feuilles mortes alentours, de minuscules grenouilles aux couleurs vives

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitisEquateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

un petit lézard méfiant aux longues griffes, une libellule cristalline et irisée, et, pour finir, une créature indéfinissable qui aurait pu inspirer Tolkien tant elle est improbable et antipathique ...

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitisEquateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis
Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

    Chacun de ces petits êtres réagit différemment à notre passage et à notre présence : certains s'enfuient à notre approche, ne laissant derrière eux qu'un petit bruit de feuilles froissées, d'autres restent sur le qui-vive prêts à détaler à la moindre alerte, d'autres, enfin, se prêtent au jeu et prennent la pose sous nos lumières crevant l'obscurité.

 

    Au cœur de la forêt, nous faisons une rencontre incongrue dans la nuit noire : un bloc de béton porte une plaque métallique qui nous indique que nous sommes très exactement à "la mitad del mundo", au milieu du monde, c'est-à-dire que nous nous trouvons actuellement sur la ligne équinoxiale ! Il existe en Equateur, près de Quito,  un site très touristique dédié à "la mitad del mundo", site que nous avons soigneusement évité du fait de son aspect artificiel et mercantile, et nous voilà au cœur de la forêt amazonienne devant une toute petite plaque sans prétention qui provoque en moi beaucoup d'émotions. Cette plaque concrétise l'équateur, cette ligne imaginaire encensée par les explorateurs de tous poils et les poètes, et décortiquée par les géographes, les physiciens, les astronomes et autres scientifiques. Elle partage la Terre en deux, elle divise le Monde et pourtant, le sang qui coule dans les veines des Hommes est le même de part et d'autre ...

Equateur, 20/08/2016 : sakis, orties et ouistitis

    Après cette promenade en forêt, nous reprenons la pirogue pour rejoindre le lodge et le spectacle qui s'offre alors à nous est tout bonnement exceptionnel ! Le ciel est parfaitement dégagé et les myriades d'étoiles qui brillent au dessus de nos têtes sont autant de lampions allumés à la gloire de Dame Nature. La vision est féérique et je savoure cet instant de pur bonheur en famille. Il fait nuit noire, je ne distingue même pas les arbres qui bordent la rivière et pourtant, notre piroguier fonce sans l'ombre d'une hésitation au cœur de cet enchevêtrement végétal et de ce dédale liquide. Je ne peux m'empêcher de penser que le choc va être sacrément rude si nous heurtons un tronc ou la berge mais la sensation est délicieusement grisante, d'autant plus que l'obscurité décuple les perceptions. Un moment de pure magie !

 

    J'ai peine à croire que nous avons vécu toutes ces expériences, vus tous ces animaux, ressenti toutes ces émotions au cours d'une seule journée, et pourtant ...

 

    Je crois que j'adore l'Amazonie ...

Commenter cet article
C
Merci pour ce superbe moment de partage de vos expériences! <br /> Cela me donne bien envie à moi aussi!<br /> Grosses bises à toute la famille et au plaisir de vous revoir!
Répondre

À propos

Partage de nos voyages en famille en Mongolie centrale, en Equateur, en Aragon (Espagne), en Islande, au Myanmar