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Partage de nos voyages en famille en Mongolie centrale, en Equateur, en Aragon (Espagne), en Islande, au Myanmar

28 Dec

Myanmar, 03/11/2017 : campagne

Publié par Picpic70

    Nouveau jour sur le lac Inle avec cette fois une expérience inédite : préparer avec un autochtone un repas typique de la région. Comme hier, le trajet en pirogue est en enchantement. La lumière est différente mais les couleurs sont bien là, de même que l'ambiance si caractéristique de ce pays d'Asie du Sud-Est.

Myanmar, 03/11/2017 : campagne
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Myanmar, 03/11/2017 : campagneMyanmar, 03/11/2017 : campagne

    Une heure de pirogue plus tard, nous débarquons et continuons à pied au cœur d'un village lacustre. Quelques constructions sont fondées sur la terre ferme des berges, d'autres sont sur pilotis et surplombent le lac. Une maisonnette de bambou héberge 3 cochons curieux qui grognent à notre approche en attendant de se retrouver dans l'assiette de leurs propriétaires. Pas de corvée de nettoyage à l'horizon car les animaux sont logés sur des claies montées sur pilotis, les déjections porcines tombent ainsi directement dans le lac et nourrissent toute une armada de poissons avides … Ingénieux système !

Myanmar, 03/11/2017 : campagne

    Les orchidées fleurissent aux fenêtres, les poissons sèchent pendus sur les tringles aux façades des maisons de pêcheurs, les nénuphars et les lotus envahissent les espaces entre les habitations. Mes yeux enregistrent tous les détails de ce village aquatique où les ruelles sont des pontons de fortune et les véhicules des pirogues amarrées en attendant de reprendre le fil de l'eau.

Myanmar, 03/11/2017 : campagneMyanmar, 03/11/2017 : campagne
Myanmar, 03/11/2017 : campagne
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    Un gloussement en hauteur attire mon attention : à la fenêtre d'une chaumière, une fratrie nous observe en catimini par la fenêtre. La plus petite dépasse à peine de l'embrasure de la fenêtre tandis que l'ainée m'observe avec grand intérêt. Leur évidente curiosité m'indique que les touristes ne sont pas légion dans ce coin reculé du Myanmar et j'en profite pour leur adresser un geste amical de la main. Quelques secondes plus tard, je passe à la vitesse supérieure et commence à adresser des grimaces aux bambins, pour leur plus grand plaisir. Ils ne tardent d'ailleurs pas à m'imiter, et nous voilà partis dans une joute de pitreries. Attiré par les éclats de rire de ses loupiots, le père, tenant dans ses bras le petit dernier, s'approche de la fenêtre pour voir ce qui cause ce joyeux remue-ménage. Me voilà démasquée, je prends la fuite après une dernière horrible grimace pour le plus grand bonheur des minots.

Myanmar, 03/11/2017 : campagne

    Nous sommes accueillis par une jeune femme dans une maison de bois bâtie sur deux niveaux. La fille nous conduit à l'étage et nous offre un rafraichissement dans une vaste salle à manger seulement meublée d'un autel dédié aux prières et d'une table basse  garnie de 5 assiettes. Des portraits du Dalaï-Lama et des photos des enfants de la maison à différents âges tapissent les murs, et des fleurs fraichement coupées égayent les lieux. La vue depuis la fenêtre sur les baraques environnantes me donne la mesure de ce village construit pour une partie sur l'eau et pour l'autre sur la terre des berges. Deux garçonnets jouent avec un cerf-volant de fortune en bas de la maison : 4 baguettes de bambou et un sac plastique ont suffit pour construire ce jouet de fortune qui leur arrache des éclats de rire.

Myanmar, 03/11/2017 : campagne
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Myanmar, 03/11/2017 : campagne

    Il est maintenant l'heure de passer en cuisine. Nous emboitons le pas à la jeune fille qui nous a accueilli il y a peu, et pénétrons dans sa cuisine. Les matières premières sont lavées et disposées dans des saladiers, à nous de les transformer en un délicieux repas sous les recommandations de notre hôte. 

Une heure durant, nous épluchons, éminçons, pilons, tranchons, mélangeons, touillons, amalgamons, faisons revenir, faisons frire des fruits, légumes, viande et poisson. Le résultat est coloré et esthétique, il ne reste plus qu'à déguster !

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    C'est le moment de passer à table et le menu est plus qu'appétissant : tempura de légumes, poisson chat aux racines de ciboule, curry de poulet, salade de tomates vertes aux arachides. Seul inconvénient, la table est basse et posée à terre, à la birmane, sans chaises ni tabourets. Nous mangeons donc assis et je reconnais humblement que la position m'est vite inconfortable, m'obligeant à bouger régulièrement pour limiter les fourmis dans les jambes et la compression de mon postérieur : un coup à genoux, un coup en tailleur, un coup les jambes repliées sur le côté … Win semble en revanche parfaitement à l'aise avec cette posture et ne bouge pas d'une once durant tout le repas. Il prend ainsi sa revanche sur le trek !

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    Repus, nous reprenons le fil de l'eau. J'aime toujours autant observer ces fragments de vie des personnes que l'on croise. Ces rencontres ne durent qu'un instant, et pourtant elles s'impriment dans ma mémoire comme autant de paillettes imagées. Une femme m'adresse un sourire et un signe de la main tout en confectionnant ses bouquets de fleurs destinés aux autels, une autre câline son enfant sur le seuil de sa maison sur pilotis. Mon cœur de mère s'inquiète de cette vie sur l'eau : la vigilance parentale doit être de tous les instants pour éviter les chutes et les noyades des enfants les plus jeunes, cela suffit-il à éviter tous les accidents ? Je m'interroge sur un moine à l'air pressé : est-il religieux par vocation ou par tradition familiale ? Est-il ouvert sur le monde moderne ou bien plutôt ancré dans les coutumes ? J'admire l'habileté extrême d'un pêcheur qui, perché sur l'étroit bastingage de son embarcation récolte des algues pour les vendre comme amendement, son quotidien et son métier sont tellement éloignés de mes normes ! Toute une vie de labeur pour gagner juste de quoi subvenir aux besoins des siens, toute une vie passée sur l'eau pour acquérir un tel sens de l'équilibre. Les reflets d'une baraque dans l'eau me renvoient à ma propre image : qui suis-je, que suis-je ? Ils m'incitent à comprendre que le bonheur est en chacun d'entre nous, qu'il suffit de le voir et de l'accueillir pour le laisser éclater, qu'il ne dépend pas de l'aisance matérielle mais bien de la richesse de l'âme.

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    Win nous entraine dans une virée à pied à la découverte de la campagne des environs du lac Inlé. Nous marchons le long des rizières, sur de longues tringles de bambou des gerbes de riz sèchent au soleil, attirant des oiseaux chapardeurs. Des cigognes altières fouillent la vase à la recherche de grenouilles ou de tout autre animalcule susceptible de se transformer en déjeuner. Un buffle se roule dans la boue pour se rafraichir, bientôt rejoint par un oiseau qui cherche la vermine sur son dos et picore allègrement l'épaisse peau grise. Le soleil cogne dur, mais malgré la température élevée, l'ambiance de cette campagne est douce et paisible. 

Myanmar, 03/11/2017 : campagne
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    Devant une maison, un grand plat de piments rouges sèche au soleil. Il y a dans ce petit panier en osier de quoi me fournir en piment jusqu'à la fin de mes jours, je suis certaine qu'ils doivent exploser l'échelle de Scoville ! La consommation en piment des birmans m'a sidérée durant tout ce voyage et encore, je compte parmi les gens qui apprécient plutôt la cuisine épicée ! Ceux-là ont le petit air sournois du piment auquel il ne faut pas se fier … 

Un petit banc à l'ombre d'un arbre nous offre une pause réconfortante. Mathilde commence à avoir de plus en plus de mal à marcher car elle a eu la mauvaise idée de se chausser de ses tongs et elle a maintenant une belle ampoule sur chaque pied à la zone de frottement entre les orteils. Elle fait contre mauvaise fortune bon cœur et tâche de ne pas laisser ces vilaines cloques entamer sa bonne humeur.

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Myanmar, 03/11/2017 : campagne

    Derrière une haie, des paysans travaillent dans un champ sous le soleil impitoyable. Vêtus d'un short et d'un T-shirt, la tête recouverte d'un chapeau tressé, ils plantent inlassablement de l'ail. Ils sont pieds nus pour travailler, seulement armés d'un sarcloir. J'ai dans mon sac à dos des menus objets du quotidien (brosse à dents, dentifrice, peigne, rasoir, lingettes, antimoustique, désinfectant) et je demande à Win s'il est possible de s'arrêter auprès de ces gens pour leur offrir ces petites choses. Il acquiesce et engage la conversation avec les cultivateurs qui sont cordiaux et semblent heureux de ces modestes présents. Mon côté médical prend le dessus et je leur explique l'intérêt de désinfecter les plaies avec le flacon de Bétadine, je ne peux m'empêcher en mon for intérieur d'imaginer les surinfections possibles sur des plaies non soignées au contact permanent de la terre et sous de telles latitudes. Je les salue avec respect avant de prendre congé, heureuse de ce moment d'échange ; j'emporte avec moi le sourire rougi au bétel de ces gens qui n'ont rien mais qui pourtant vous offrent du fond du cœur un peu de leur temps et de leur gentillesse.

Myanmar, 03/11/2017 : campagneMyanmar, 03/11/2017 : campagne
Myanmar, 03/11/2017 : campagne

        Quelques centaines de mètres plus loin nous croisons d'autres agriculteurs, mécanisés pour certains. Tandis que Christian détaille avec un vif intérêt les machines agricoles adaptées aux sols boueux de ces régions, j'admire pour ma part avec force respect la somme de travail manuel que représente chaque grain de riz que j'ai mangé depuis mon arrivée sur le sol birman.

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       Nous rejoignons la pirogue pour rejoindre notre hôtel. Cette journée est encore passée à la vitesse de l'éclair, nous avons vu tellement de choses aujourd'hui que ma perception du temps semble altérée. Un petit autel sorti de nulle part darde fièrement sa flèche en direction du ciel, sa présence au milieu du lac est autant incongrue que rassurante.

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    De retour à l'hôtel, je persiste et signe … Je retourne pour la troisième fois au salon de massage, histoire de voir si la douleur s'atténue au fil des jours. Je veux prouver à mon corps que mon esprit est le plus fort, que les petites mains toutes mignonnes d'une jolie masseuse birmane ne peuvent me causer une telle douleur. Je pars seule ce soir, ni Christian ni Mathilde ne souhaitent renouveler l'expérience. La patronne m'accueille avec un sourire et me tend la traditionnelle tasse de thé,  j'attends tranquillement qu'une place se libère. Tandis que je patiente, un touriste vient s'enquérir dans un anglais teinté d'un fort accent de la nature des massages prodigués ici. Il demande à plusieurs reprises un "massage thaïlandais", et la femme lui répond patiemment qu'ici ne se pratiquent que des massages birmans. Après quelques minutes, l'homme repart, visiblement dépité : je crois bien qu'il a confondu massages traditionnels et faveurs sexuelles, je rigole en mon for intérieur devant son air désappointé.

Bon, et bien maintenant j'en suis sûre, ça fait toujours aussi mal ! Bien que la masseuse de ce soir ne soit pas la même que celles des deux jours précédents, la pression sur certains points est encore à la limite du supportable. Je me concentre sur mon environnement pour ne pas me laisser submerger par cette douleur exquise (terme médical pour une douleur vive, puissante et localisée en un point très précis du corps, je le précise car je ne voudrais quand même pas que vous pensiez que j'y prends goût !), sur les odeurs de nourriture et les bruits de vaisselle qui me parviennent, sachant pertinemment que ce supplice ne durera que quelques instants. Et comme les autres fois, la magie opère : abstraction faite de ces quelques instants de torture, tout le reste du massage n'est que plaisir et délassement et je ressors après une heure de pétrissage comme sur un petit nuage. Le prix n'a pas changé, il est toujours aussi dérisoire et j'en profite pour laisser un supplément qui, je l'espère, sera partagé équitablement. La patronne me demande si je reviens demain, et je lui annonce que nous reprenons malheureusement l'avion demain. Du coup, elle attrape une main de bananes et me la tend gentiment en cadeau d'adieu : je crois que je viens de découvrir la carte de fidélité à la birmane, l'équivalent de la dixième pizza gratuite ! Je suis touchée par son geste spontané et désintéressé, vu qu'elle sait qu'elle ne me reverra plus. Je prends le chemin du retour, il fait nuit noire. Je vais en paix avec moi-même, mais cela ne m'empêche pas de regarder à gauche et à droite que rien de fâcheux ne surgisse de ces ruelles sombres et peu fréquentées.

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