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Partage de nos voyages en famille en Mongolie centrale, en Equateur, en Aragon (Espagne), en Islande, au Myanmar

18 Oct

Islande 07/2017 : larmes

Publié par Picpic70

    Nous sommes déjà au dernier jour de notre aventure humaine et équestre. Je suis partagée entre la joie d'avoir pu vivre de telles émotions, et la tristesse que tout ceci soit déjà bientôt terminé. La boucle est bouclée, nous cheminons vers le terme de notre randonnée. J'emplis mes yeux et mon cœur de ces paysages inouïs, mon corps se gorge de ces inédites et grisantes sensations de tölt et mon âme se réjouit des formidables rencontres faites sur cette terre de Vikings.

Islande 07/2017 : larmes

    Le retour est silencieux et introspectif du côté cavalier, il est en revanche allant et enjoué du côté des poneys. Ils ont reconnu le chemin du retour, et, comme pour tous les chevaux du Monde, l'appel des pâturages familiers est le plus fort. Le soleil est de la partie et j'ai eu le tort de ne pas mettre de T-shirt à manches courtes. Du coup, je bous littéralement et mon visage prend petit à petit la teinte du homard bien cuit...

Egill nous réserve un petit cadeau. Lors d'une pause, il demande à l'ensemble du groupe qui est partant pour une surprise. Nous essayons d'en savoir plus sur ladite surprise, mais rien n'y fait, il reste muet comme une carpe, arguant que s'il nous en dit plus, cela ne sera plus une surprise ... Imparable, comme défense ! Résultat des courses, nous sommes bien entendu toutes partantes pour la surprise ... demander à un groupe de femmes si elles veulent une (bonne) surprise, autant demander à un troupeau d'aveugles s'ils veulent voir ! Egill laisse les chevaux non montés dans un corral et il nous entraine à travers la montagne durant une petite heure. Au bout de cette promenade, un spectacle époustouflant !

Islande 07/2017 : larmes

    Au milieu de la lande volcanique majoritairement grise, s'ouvre un océan de verdure. Les verts pétillent, l'eau bleue écumante jaillit de la roche avant de dévaler la pente et de finalement se couler tout au fond de cette dépression géologique. J'ai l'impression d'avoir été happée par le temps, de me retrouver dans un Monde Perdu et je crois qu'à cet instant précis, je ne serais pas plus étonnée que ça d'entendre le cri d'un Ptérodactyle survolant ma tête ... Cet endroit n'a pas d'âge, il est hors du temps ; il est le passé et le futur réunis en un seul lieu. La magie opère, nous sommes toutes fascinées par le spectacle féérique qui s'offre à nous. Egill ne boude pas son plaisir, il est visiblement très fier de sa surprise et de notre réaction en découvrant ce petit coin de paradis. Il a bien raison, c'est tout simplement sublime !

Islande 07/2017 : larmes
Islande 07/2017 : larmesIslande 07/2017 : larmes
Islande 07/2017 : larmes

    Egill et Ranna nous laissent le loisir de descendre au bord de l'eau si nous le souhaitons. Je me lance dans la pente avec entrain, juste pour avoir le plaisir de toucher du bout de mes doigts cette eau si vraie, si pure qu'elle semble irréelle. Je me laisse transporter par ce bonheur primitif, ce toucher source de vie et de promesses.

 

    Retour à cheval, nous quittons cette oasis pour retrouver les paysages lunaires typiques de cette zone volcanique, tout aussi touchants, mais ô combien moins rafraichissants !

Islande 07/2017 : larmes
Islande 07/2017 : larmes

    Quelques kilomètres plus loin, nos chevaux foulent une large plaine herbeuse, des conifères se dressent fièrement à flanc de montagne : j'ai l'impression d'avoir été transportée au Tyrol, l'Islande ne finira décidément jamais de m'étonner !   

Islande 07/2017 : larmes

    La pause déjeuner nous mène non loin d'une jolie rivière. Au fil des jours, j'ai fignolé ma technique de stockage du pique-nique dans les fontes, et mon repas finit par ressembler à autre chose qu'une bouillie informe. Nous déjeunons assises non loin des chevaux, je laisse la chaleur des rayons du soleil caresser agréablement mon visage. Ranna propose, à celles qui le souhaitent, de laisser un peu plus de temps à la pause déjeuner afin de descendre au bord de la rivière. Mathilde et Emilie sont partantes, et Aneka, Phipps et Sia décident de se joindre à nous. Telles des Indiana Jones des temps modernes, nous fendons la végétation à grands coups de machette, repoussant du pied des scorpions déchainés, de la main des serpents sifflants sur nos têtes et plongeons tête la première dans des toiles d'araignées géantes ... Bon, je me laisse peut-être emballer par le goût de l'aventure ... nous nous sommes contentées de suivre une discrète sente se faufilant entre les fleurs et qui a fini par nous amener tranquillement au bord de l'eau ...

Islande 07/2017 : larmesIslande 07/2017 : larmes
Islande 07/2017 : larmes

    D'abord prudes et sages, les filles et moi remontons nos pantalons d'équitation jusqu'aux genoux afin de plonger voluptueusement nos mollets dans l'eau froide et de nous rafraichir. C'est tellement bon ! Quelques minutes plus tard, alors que je regarde où sont nos compagnes de baignade, je m'aperçois que Phipps, la septuagénaire allemande du groupe, ne s'est pas embarrassée d'autant de réserve : elle trempouille avec délices dans l'eau claire, en petite culotte ... Le temps que mon cerveau traite l'information, que le petit diable perché sur mon épaule droite me dise "allez, vas-y, il fait tellement chaud, c'est comme si tu étais à la plage !" et que le petit ange perché sur mon épaule gauche me chuchote "ton éducation ne t'a pas habituée à te dévêtir devant des étrangers ...", je me retrouve en sous-vêtements avant d'avoir eu le temps de dire ouf, de même que Sia, Aneka, Mathilde et Emilie. De nous 6, seule Phipps est topless, sans ostentation ni gêne particulière, j'imagine que le naturisme fait peut-être partie de ses habitudes de vie ou de loisirs. Le torrent est frais, très frais même, la température de mon corps redescend de quelques degrés et c'est toutes revigorées que nous remontons rejoindre le reste du groupe. J'apprécie grandement la laxité de Ranna, qui a proposé cette petite pause baignade à celles qui en avaient envie car la météo et l'endroit du déjeuner s'y prêtaient, et j'apprécie également qu'elle ne nous ait pas imposé de timing particulier pour ce moment de détente, faisant sans doute confiance à notre jugement et à notre bon sens pour rentrer à une heure décente.

   Pour la dernière fois, Ranna distribue les chevaux. Elle fait de son mieux pour contenter tout le monde, tout en respectant la fatigue de chaque monture. Emilie est ravie, elle peut terminer la randonnée sur son cher Gutti, qui ne semble pas vraiment épuisé par le poids de sa cavalière ...

Islande 07/2017 : larmes
Islande 07/2017 : larmes

  Deux heures plus tard, nous voici arrivés. Un dernier grand champ à traverser, et j'aperçois déjà le corral d'arrivée. Les poneys, eux aussi bien sûr, ont reconnu leurs pâtures habituelles, et semblent pressés d'arriver. Emilie se trouve à côté de moi, nous échangeons un coup d'œil et ... hardi petit ! Nous voilà parties toutes deux à bride abattue dans un dernier galop, une dernière course jusqu'à l'arrivée. Avec ses courtes jambes, Gutti peine un peu à se maintenir à la hauteur de Frosti, ma monture, mais sa volonté ne faiblit pas et nous arrivons ensemble au corral. Emilie desselle son copain qui profite immédiatement de sa liberté retrouvée pour se rouler dans la poussière, et c'est les larmes aux yeux qu'elle le salue une dernière fois. Le troupeau fait plaisir à voir, les chevaux s'ébattent joyeusement, crinières au vent, tout à leur plaisir de revenir en ces terres familières.

 

    Quant à nous, une boisson chaude accompagnée d'un gouter nous attendent dans la maison d'Egill. Ranna nous réunit toutes afin de faire un peu le point sur cette semaine écoulée.

Islande 07/2017 : larmes

    Elle parle d'abord du groupe en général et nous félicite toutes sur notre niveau d'équitation. Elle n'est pas avare de compliments et nous qualifie de "groupe d'exception", tant sur le plan de l'homogénéité du niveau équestre que sur celui de la bonne humeur générale. Elle nous avoue que, le jour où les chevaux en liberté ont refusé de suivre le chemin habituel et nous ont fait perdre beaucoup de temps et d'énergie, elle avait discuté avec Egill des différentes possibilités pour terminer l'étape (vu que, à 14 heures 30, nous étions revenus par la force des choses à notre point de départ) et notamment de celle consistant à nous mener à notre logement du soir en véhicule tandis que l'équipe d'encadrement équestre tenterait à nouveau de transférer tous les chevaux en les accompagnant à cheval. Une rapide discussion en islandais entre eux sur notre niveau équestre général, sur notre entrain quotidien, sur l'absence de râleurs et de chochottes dans notre groupe les avaient décidés à nous emmener avec eux à cheval. Et Ranna nous affirme, avec un immense sourire, qu'Egill et elle n'ont jamais regretté cette décision ne serait-ce qu'un seul instant, et qu'elle a été époustouflée par notre allant et notre bonne humeur tout au long de cette journée pourtant éprouvante. Elle nous rappelle ainsi que nous sommes restées 9 heures à cheval sans broncher, et que, lorsqu'elle nous a proposé de faire la grasse matinée le lendemain matin pour récupérer un peu, nous avons toutes protesté et demandé à déjeuner à la même heure que d'habitude. Elle affirme que cette situation exceptionnelle (la horde refusant de suivre le cavalier meneur), qu'elle n'avait jamais rencontrée auparavant, n'avait pu trouver de solution satisfaisante que grâce aux qualités physiques et mentales de notre groupe. Elle rajoute même, après avoir jeté un coup d'œil autour d'elle pour vérifier d'Egill n'est pas en train d'écouter ce qu'elle dit : "Indeed, it was so fun !".  Elle ne fait que dire à voir haute ce que nous avons toutes pensé de cette journée atypique qui nous a permis de monter à cheval deux fois plus longtemps que prévu et de jouer aux cow-boys en poursuivant les chevaux dissidents à grands renforts de cris rauques et libérateurs. Elle a raison, en fait, c'était vraiment trop fun ! Le seul qui n'a pas trouvé cela vraiment rigolo, c'était Egill, qui avait bougonné tout le jour, visiblement fort marri de la situation !

 

    Elle s'adresse ensuite tour à tour à chacune d'entre nous, nous remettant au passage un petit diplôme de monte de cheval islandais après une accolade amicale. Le diplôme en lui même ne m'intéresse que très modérément, en revanche je trouve très sympa et professionnel qu'elle ait indiqué sur le diplôme de chacune d'entre nous le nom de tous les chevaux montés durant la semaine. A part Emilie, qui n'a monté que 3 poneys différents durant cette randonnée, nous avons toutes une douzaine de chevaux distincts sur notre liste et il y a parfois une sacrée différence entre le souvenir du nom oral de chaque monture et son écriture sur le papier. Pour ma part, j'ai trouvé cela très enrichissant de monter plusieurs chevaux au cours de cette semaine. Bien entendu, je me serais parfaitement accommodée de ne monter que Svala durant toute la randonnée, ma préférée, une petite jument palomino vive et avec laquelle je me suis régalée : un tölt de déesse, une super réactivité aux jambes, une bouche légère, je n'aurais pas pu souhaiter mieux ! Mais, premièrement, vu les distances et les allures soutenues, les poneys avaient besoin de se reposer à tour de rôle, et deuxièmement, je pense que le progrès personnel ne peut venir que de difficultés à surmonter, de solutions à trouver et que ce processus est clairement stimulé lorsqu'il faut s'adapter à un cheval que l'on ne connaît pas, et qui, bien sûr, ne réagit pas de la même façon qu'un autre.

Tandis que Ranna parle, le livre d'or circule. En quelques coups de stylo bille, à main levée, Eva croque Ranna au tölt sur un de ses poneys. Le trait est sûr, la dynamique de cette allure si particulière est parfaitement rendue, quel talent !

Islande 07/2017 : larmes

    Puis, vient le moment de s'adresser à Mathilde et à Emilie. Ranna commence son allocution en disant qu'elle n'a aucunement l'habitude d'avoir des préférences au sein du groupe, mais que là, elle présentait toutes ses excuses à l'ensemble d'entre nous car elle avait eu un réel coup de cœur pour les deux plus jeunes membres du groupe. Elle avoue clairement que, lorsque nous sommes montées dans son minibus à la sortie de notre hotel, connaissant la difficulté technique et physique de la randonnée rythmée qui nous attendait, elle s'était vraiment demandé ce qu'elle allait faire de ces 2 gamines ... Elle reconnaît que, le premier jour, lors de la courte rando de prise de contact, elle a été un peu rassurée de constater que le niveau de Mathilde et Emilie ne semblait pas si mauvais que cela. Que, le deuxième jour, elle a été agréablement surprise en voyant que les filles n'étaient pas du tout un poids pour le groupe, ni au niveau du niveau équestre, ni au niveau de la vie de groupe et de l'intégration au sein de l'équipe. Et que, enfin, le troisième jour, elle avait été époustouflée par leurs prouesses à cheval quand il s'agissait de poursuivre les chevaux échappés au galop en poussant des hurlements de sauvage à travers la lande ! Elle reconnaît avoir beaucoup de respect pour les qualités de cavalière de Mathilde et une immense tendresse admirative pour Emilie. Mon cœur de mère se gonfle d'orgueil, les filles se sont effectivement très bien comportées sur tous les plans durant cette semaine, et c'est tellement bon de se l'entendre dire !

Islande 07/2017 : larmes

    Une fois le débriefing terminé, arrive le moment de déposer chacune d'entre nous à son hôtel à Reykjavik. C'est le moment de dire au revoir à Egill, qui reste à la ferme pour s'occuper des chevaux et préparer la prochaine expédition. Ce gars du pays me fait penser à un nounours en guimauve, bourru à l'extérieur et fondant à l'intérieur. Il nous en a donné la preuve en nous chantant la sérénade avec sa guitare, le dernier soir au refuge, et il a égayé les soirées en racontant des histoires de trolls et autres créatures issues du folklore islandais. Cerise sur le gâteau, alors que toutes mes autres compagnes de voyage parlent parfaitement anglais, c'est le seul dont le fichu accent rocailleux m'a fait sentir un peu moins minable dans la langue de Shakespeare ... Une dernière accolade à Egill et le minibus démarre, nous emportant jusqu'à la capitale. A chaque arrêt, nous perdons une de nos compagnes de voyage, qui à la gare routière, qui à une chambre d'hôte, qui à un hôtel. Le minibus est presque vide lorsque Ranna nous dépose devant notre hôtel. Elle descend avec nous, nous aide à déballer nos bagages, s'assure que nous n'avons rien oublié. Vient le moment de se dire adieu, ce n'est pas notre fort, à Emilie et à moi ... Lorsque l'aventure a été intense, lorsque des personnes nous ont apporté de la joie et du bonheur, nous avons toutes les 2 une fichue tendance à avoir la larme facile. Mais aujourd'hui, c'est décidé, je vais grandir et rien ne coulera de mes yeux ! Ranna nous serre toutes les trois dans ses bras, intensément, longuement. Elle nous redit la joie d'avoir partagé cette semaine avec nous et nous affirme qu'elle ne nous oubliera jamais et qu'elle nous porte dans son cœur. Ses paroles sont émouvantes, mais je tiens bon ; même si j'ai la gorge un peu serrée, je réussis à ne pas pleurer alors qu'Emilie est déjà en larmes. Dans le minibus, j'avais préparé un pourboire, une façon matérielle de la remercier de l'immense bonheur qu'elle nous a apporté durant cette semaine inoubliable. A moment où je lui tends les billets, elle me repousse la main, écartant mon offrande en me disant que nous lui avons apporté tellement de félicité qu'elle ne veut pas de cet argent ... Si j'avais pu avoir encore quelques doutes sur la sincérité de ses propos lorsqu'elle disait que la rencontre avec Mathilde et Emilie l'avait remplie de joie, ceux-ci se sont envolés à l'instant même où elle a refusé mon argent. Pour couronner le tout, je m'aperçois à cet instant que son émotion en nous quittant est telle qu'elle  en a les larmes aux yeux ! Il ne m'en fallait pas plus, bien sûr, pour que je fonde en larmes, et c'est les yeux bien humides qu'Emilie et moi avons suivi des yeux le minibus ...

    Merci, mille fois merci Ranna. Vous êtes une grande dame de cheval et une grande dame de cœur. Sachez que vous aussi, vous êtes dans nos cœurs à tout jamais car vous nous avez offert beaucoup, beaucoup plus qu'une simple aventure cavalière ...

 

 

Islande 07/2017 : larmes
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